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Parcours migratoires LGBTQIA+ : Agir face aux discriminations multiples

1. Projet de départ

En bref : la recherche-action « Parcours migratoires LGBTQIA+. Agir face aux discriminations multiples » a visé à documenter le traitement et les situations de personnes migrantes et réfugiées LGBTQIA+ dans le système d’asile/migration, afin de replacer leur processus d’autodétermination au centre de la réflexion, et de disposer d’outils favorisant l’inclusion, le soin, les droits.

Constats de départ 

En mars 2019, Rainbow Spot a ouvert la première permanence d’accueil et de conseil dans le canton de Vaud dédiée aux personnes LGBTIQ+ en situation de migration. Son travail a mis en lumière les lacunes, les besoins et les fortes demandes liées aux discriminations intersectionnelles vécues par les personnes migrantes LGBTIQ+. L’engagement de l’association Rainbow Spot auprès des personnes et du réseau concernés a aussi conduit à constater le manque de données et d’information sur les situations des personnes LGBTIQ+ migrantes et réfugiées. L’association a ainsi souhaité participer à mieux documenter cette problématique. C’est pourquoi elle a initié un projet de recherche-action, grâce à l’encouragement de la Fondation Harlet Snug.

Objectifs du projet

Mettre en lumière les situations et les enjeux vécus par les personnes concernées, en particulier au niveau des contextes d’accueil et d’hébergement, face à certains aspects de procédures (comme l’asile, le regroupement familial) et dans le domaine des soins. Le but initial est ainsi de sortir la thématique de l’invisibilité.

Documenter et comprendre les mécanismes du traitement des identités LGBTQIA+, les écueils et les bonnes pratiques qui peuvent être identifiés. Le but est ici de permettre une compréhension des processus pluriels d’identifications des personnes LGBTIQ+, et contribuer à faire changer certaines pratiques et représentations.

Construire des outils concrets, sur deux niveaux : 1) pour renforcer l’auto-défense des personnes (connaître ses droits, les réseaux de solidarité, trouver des pair.e.x.s) ; 2) pour développer la sensibilisation du réseau professionnel (voir ci-dessous, point 4). Ce travail est conçu dans une visée globale de possible atténuation des risques pesant sur la santé des migrant.e.x.s LGBTIQ+, grâce aux bénéfices d’une meilleure information et d’un accueil plus inclusif.

2. Déroulement du projet

Cette recherche est le produit d’une dynamique collective de l’Association Rainbow Spot.
Elle est motivée par le travail sur le terrain et conçue comme un projet de l’association s’intégrant dans sa pratique et sa mission. Fruit d’une décision commune, elle s’est aussi déroulée en collaboration avec l’équipe de personnes actives à Rainbow Spot, aux différentes étapes du travail. Ainsi, cette recherche est ancrée dans l’action collective.

Sab Masson, qui fait partie de l’équipe depuis la création de Rainbow Spot, a été chargéx de conduire le projet. Iel a été engagé à 50% par Rainbow Spot pendant quinze mois, sur la base du financement de Harlet Snug. Le travail effectif dédié à cette recherche – comme l’est tout l’engagement de l’équipe de Rainbow Spot – aura toutefois été bien au-delà de ce temps salarié. La durée de la recherche s’est aussi étendue au-delà des quinze mois prévus, en définitive sur une période de deux ans. Cette situation est due à la précarité dans laquelle s’est trouvée Rainbow Spot à la fin de la période, toujours sans subvention publique, ce qui a nécessité une réorganisation interne et professionnelle. Harlet Snug est chaleureusement remerciée pour sa compréhension et la souplesse dont elle a fait preuve concernant les délais de finalisation.

Méthodologie de recherche-action

En cohérence avec les objectifs exposés, le projet est ancré dans les courants de recherche-action participative. Dans cette perspective, il s’agit notamment d’aligner la recherche avec les expériences, les savoirs, les besoins des personnes et des organisations du terrain, dans une perspective de transformation sociale. La recherche dialogue ainsi étroitement avec la pratique. Cette posture est aussi forgée par les approches de l’intersectionnalité, qui traversent ce travail. La recherche vient dès lors renforcer la pratique, en particulier par un processus participatif et la mise à disposition de moyens concrets d’action.

La participation du collectif de l’association s’est faite à plusieurs étapes : dès le départ, par la détermination des besoins et des objectifs donnant lieu au démarrage du projet, puis par plusieurs moments d’échanges sur l’avancée du projet (trois séances de discussion : sur les résultats intermédiaires, sur les résultats finaux et sur les brochures). Les personnes engagées dans ce processus ont été aussi bien celles qui forment l’équipe courante de Rainbow Spot, que des personnes proches du collectif qui ont une implication plus ponctuelle. Sur les huit personnes impliquées dans ce groupe d’échanges sur la recherche, toutes sont des personnes LGBTQIA+, cinq personnes ont une histoire de migration, dont trois personnes qui ont fait partie des acteurice·x·s migrant·e·x·s interviewé·e·x·s.

Regards externes

Le projet est a bénéficié de plusieurs regards externes à l’équipe :

La construction méthodologique de ce travail, rattachée à sa visée d’action et de lien avec la pratique, a bénéficié des conseils d’Amanda Terzidis, politologue et travailleuse sociale, qui a mené une recherche participative en partenariat avec l’Association Viol-Secours à Genève sur l’accompagnement des personnes LGBTQIA+ victimes de violences sexuelles.

– Dans le domaine du droit, le projet a bénéficié du regard de Camille Vallier, docteure en droit et ancienne co-responsable de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de la Faculté de droit de l’Université de Genève.

– Dans le domaine de la santé, du regard d’Orest Weber, sociolinguiste et responsable de recherche à l’Unité Psy&Migrants du Service de psychiatrie communautaire du CHUV, en collaboration avec Felicia Dutray, médecin-psychiatre dans le même service, et médecin responsable de la Consultation Psychothérapeutique pour Migrant·e·s d’Appartenances.

2. Résultats en bref

Comme indiqué ci-dessus, cette recherche-action a été motivée par la pratique de l’association Rainbow Spot. De cette pratique ont émergé certains constats, concernant tout spécialement l’invisibilité, la marginalisation et les vulnérabilités particulières des migrant·e·x·s LGBTQIA+, ainsi que les lacunes au sein du réseau de soutien. Dans le but d’approfondir ces premiers constats, la recherche-action interroge en particulier le phénomène de la discrimination multiple, et ses effets en termes de positions spécialement exposées et isolées vécues par les personnes migrant·e·x·s LGBTIQ+. Cette position particulière, que l’on appelle aussi intersectionnelle, parce qu’elle est au croisement de plusieurs oppressions interagissant entre elles (liées au statut migratoire, à la classe, au genre, à la sexualité, etc.), a des implications concrètes sur la visibilité et la prise en compte des réalités des personnes concernées.

La recherche-action explore ces mécanismes à travers des entretiens avec 9 acteurice·x·s. migrant·e·x·s et avec 9 acteurice·x·s du terrain (du domaine de la migration, de la santé et associatif LGBTQIA+). L’analyse de ces entretiens montre comment l’intersectionnalité des discriminations agit aussi bien dans l’accès à l’information et dans la faible visibilité des situations de migrations LGBTIQA+, que dans les réalités d’accueil, de procédures et d’accès aux soins des personnes concernées, confrontées à des enjeux (difficultés spécifiques dans l’hébergement ou au niveau juridique, risques spécifiques au niveau des soins), du fait d’une position minorisée à plusieurs titres.

Les résultats éclairent aussi des réalités de potentielles marginalisation face aux espaces d’appartenances et de soutien, ainsi que l’imbrication des parcours migratoires et des trajectoires LGBTQIA+ dans les cheminements complexes vers l’autodétermination. Enfin, les pistes de changements sont explorées, montrant comment des pratiques de renforcement de l’inclusion des migrant·e·x·s LGBTQIA+ demandent une prise en compte de l’approche intersectionnelle et une action non seulement sur les pratiques professionnelles, mais plus largement sur des aspects institutionnels et structurels de luttes contre les discriminations.

4. Valorisation : création d’outils pour le terrain

Comme annoncé au départ, ce travail s’est donné pour objectif, en tant que recherche-action, de fournir des outils tirés des résultats de la recherche, afin de renforcer l’action de l’association sur le terrain. Ainsi, sur la base des résultats, deux brochures ont été élaborées :

– Une brochure d’information et d’orientation destinée aux personnes migrantes et réfugiées LGBTQIA+. Cette brochure, suivant les principaux constats tirés de la recherche, apporte des éléments de base concernant les droits LGBTQIA+ de personnes en situation migratoire (accès à l’information, droits dans des procédures, dans l’accueil et l’hébergement, dans les soins). Elle donne quelques pistes d’actions face aux discriminations et oriente vers le réseau associatif compétent.

Une brochure contenant des pistes et recommandations à l’attention du réseau professionnel de la migration et de la santé. En partant également des résultats de la recherche, cette brochure aborde les enjeux liés à l’information, à l’accueil, aux procédures et à l’inclusivité dans les soins, aux seins de structures du domaine de la migration et de la santé. Elle déploie quelques pistes dans le sens d’une amélioration des pratiques et du cadre institutionnel à l’attention des personnes migrantes et réfugiées LGBTQIA+.

Les deux brochures sont actuellement en cours de finalisation. Elles seront prochainement mise en ligne.

Recherche-action réalisée dans le canton de Vaud
(juillet 2021 – octobre 2022)
hébergée par l’Association Rainbow Spot

En charge du projet pour l’Association Rainbow Spot : Sab Masson