Écrire à Marsens à la fin du 19e siècle
Recherche sur l’écriture en milieu psychiatrique à travers l’exemple de l’Asile cantonal fribourgeois à ses débuts ; exploration d’un patrimoine inédit et exceptionnel.
Les archives médicales de l’actuel « Centre de soins hospitaliers » de Marsens, composées pour l’essentiel des dossiers des patients, contiennent d’innombrables écrits de natures diverses : documents officiels, administratifs, ou encore médicaux ; correspondance du personnel de l’institution avec des instances publiques, des pairs ou l’entourage des malades, mais aussi des lettres rédigées par les patients eux-mêmes durant leurs séjours et qui n’ont pas été envoyées à leurs destinataires.
Il s’agit de témoignages uniques, très riches sur le plan de l’histoire culturelle et humaine, ainsi que de l’histoire de la psychiatrie, car ils portent la voix des personnes concernées et sont empreints de leur expérience directe.
À travers une analyse qualitative, ce travail étudie le contenu de ces différents écrits, leur forme et leur facture, tout en tenant compte de leur lieu d’émergence, à savoir les dossiers médicaux dont ils proviennent, et la systématique d’archivage qui apparaît en filigrane. Par l’étude de ces sources imprégnées du vécu des premiers intéressés, la problématique de l’écriture est ainsi éclairée depuis l’intérieur. Le contexte général de production est retracé d’une part, et d’autre part, les pièces sont examinées en tant que résultats d’une pratique spécifique ; dans ce cadre, la gestion des productions des patients par les médecins est interrogée, de même que, de manière plus générale, le rapport à l’écrit et à l’écriture.
La première partie de cette thèse se penche sur l’Asile, ou Hospice, de Marsens comme lieu d’échanges au moment de son ouverture et durant ses vingt-cinq premières années : elle considère le parcours et la direction du premier médecin en exercice et, plus sommairement, celui de ses successeurs, puis les lignes thérapeutiques instillées et l’environnement de cet établissement ; ce dernier est abordé en tant qu’espace constitué de limites et de points de passages, mais aussi comme un espace vécu, appréhendé du point de vue sensoriel, sonore et olfactif. Ce premier volet restitue les paramètres qui influent sur la pratique de l’écriture et permet de remettre en perspective sa place et son importance à l’asile fribourgeois pour l’époque concernée. La seconde partie s’attelle à cette pratique même, émanant d’une culture et d’un savoir-faire particuliers. Après avoir observé l’aspect formel des documents, leur matérialité est détaillée, puis la question de l’« autorat » est considérée, dans la mesure où elle est parfois peu évidente à élucider dans ces sources entièrement manuscrites ; enfin, c’est le passage des écrits des mains des patients aux dossiers médicaux qui est documenté.