Lyssa, une fable de l’utopie activiste de libérer la folie à travers l’art. La production d’un spectacle mettant en scène des comédien.ne.s professionnel.le.s et des personnes concernées par des troubles psychiques.

« JUSTINE. Elles sont encore là, ces forces qui me traversent et dépassent. J’ai arrêté de les mentionner, histoire de ménager ce qui reste de ma liberté. » (extrait du texte Lyssa)

Produit par la Cie Tatuí, en février 2020 le spectacle « Lyssa » s’est déployé sur les planches du CPO (Lausanne) et du Raccot (Monthey) suite à un processus intense de création collective. L’équipe de Lyssa a fait l’expérience de créer et présenter un spectacle qui interroge nos rapports à la folie et tisse des liens explicites entre art et activisme en santé mentale au travers d’un dispositif scénique qui bouleverse les distances habituelles.

Le texte « Lyssa » est le résultat d’une année de recherche-création au Quartier culturel de l’hôpital psychiatrique de Malévoz, durant laquelle Paula Brum a animé des ateliers d’écriture participatifs. La mise en scène de ce texte s’est étendue sur plusieurs étapes. Suite au recrutement de l’équipe en collaboration avec le GRAAP, des ateliers expérimentaux de création ont eu lieu durant 4 week-ends (octobre – décembre 2019) suivis de 4 semaines de répétitions intensives avec l’équipe complète (janvier-février 2020).

Le projet a soulevé le pari de la rencontre entre artistes professionnel.le.s et amat.eur.rice.s concerné.e.s par des troubles psychiques avec des valeurs communes explicitées dans ce manifeste.

Manifeste Lyssa

• Créer avec la force des marges ;
• Interroger et explorer les liens entre art et folie ;
• Défaire les mécanismes de domination et d’exclusion ;
• Expérimenter la dissolution des frontières et étiquettes;
• Transmuter la douleur en force et beauté ;
• Proposer un monde beau qui assume sa fragilité;
• Expérimenter les rencontres entre corps, leur pouvoir d’affecter et d’être affecté;
• Rechercher les moyens de prendre soin du monde commun à travers le théâtre;
• Investir le plateau comme lieu d’engendrement de mondes viables ;
• Proposer une œuvre à la frontière entre recherche et fiction ;
• Travailler en horizontalité avec des personnes concernées par la thématique abordée.

L’équipe a expérimenté une collaboration qui travaille avec les forces de chacun.ne, les reconnait dans le respect des limites tout en tenant les exigences de produire une œuvre esthétiquement soutenable. Un équilibre fragile et puissant à la fois qui a fonctionné !

« La véritable force de cette pièce tient à la performance des acteurs, avec une étonnante symbiose, alors qu’elle a été montée en seulement trois mois. Ils ne jouent pas, ils sont. Angèle Colas (Justine) et Jean-Luc Carrel (Igor) sont excellents et au diapason, dans une joute verbale tantôt emplie de douceur tantôt âpre, qui en fait des moments aussi jubilatoires que déchirants. « Lyssa » est une expérience sensorielle avant tout, qui donne de l’espoir mais qui met aussi mal à l’aise, nous confrontant à la noirceur qui peut parfois nous envahir. Un miraculeux et fragile équilibre expérimental, tant par les textes que par la mise en scène » Matthieu Vonnez, article paru dans Diagonales 135, p.22

Le spectacle Lyssa a été accueilli très chaleureusement par les publics, les trois dates étant complètes. Il a arraché des larmes, des rires et des questionnements à beaucoup de personnes. Les deux représentations au CPO ont attiré des publics diversifiés et la dernière, à Malévoz, a été vécue intensément par les interprètes. À la suite de la représentation, avec un théâtre du Raccot plein, une discussion avec les publics a eu lieu. Des patients hospitalisés ont pris la parole ainsi que des soignantes. L’équipe a également pu raconter le processus vécu. C’était une belle manière d’achever la saison en revenant sur les lieux où tout a commencé. Par ses propos et surtout par son processus, le projet Lyssa s’est engagée dans une aventure peut-être encore plus urgente dans le contexte actuel : prendre soin ensemble du monde commun avec les forces de l’art.

L’équipe de Lyssa tient à remercier chaleureusement la fondation Harlet Snug, Malévoz Quartier Culturel, la Société Suisse des Auteurs (SSA) et le GRAAP (Groupe d’accueil et d’action psychiatrique) pour leur soutien.

 

« JUSTINE Lyssa, viens me voir ! Je suis venue te chercher. Des amarres chimiques, je veux te libérer et la folie du monde tourner, tourner, l’inonder de poésie,  délicatesse et fragilité, abondance et sérénité finitude et gratuité. » (extrait du texte Lyssa)